Conseil d'Etat
statuant
au contentieux
N° 74952

Publié au Recueil Lebon

3 / 5 SSR


Mme Aubin, Rapporteur
Mme Moreau, Commissaire du gouvernement

M. Coudurier, Président

Lecture du 18 novembre 1988


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire du MINISTRE DE LA DEFENSE enregistrés les 20 janvier 1986 et 20 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1° annule le jugement en date du 12 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser aux époux Raszewski une indemnité de 118 593,40 F en réparation des préjudices que leur a causés et qu'a causés à leur fille mineure Laurence Raszewski l'assassinat de leur fille Yolande Raszewski,

2° rejette la demande présentée par les époux Raszewski devant le tribunal administratif d'Amiens,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Aubin, Conseiller d'Etat,

- les observations de la S.C.P. Le Prado, avocat de M. et Mme Raszewski,

- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mlle Yolande Raszewski a été tuée le 1er décembre 1978 à Chantilly par M. Alain Lamare, gendarme affecté au peloton de surveillance et d'intervention de Chantilly qui l'avait prise en auto-stop ; qu'il résulte de l'instruction qu'à partir du mois de mai 1978, M. Lamare s'était rendu coupable de nombreux méfaits ; qu'il avait commis plusieurs vols de voitures et trois attaques à main armée ; que des voitures qu'il avait piégées après les avoir volées avaient blessé un gardien de la paix et un gendarme auxiliaire ; qu'il avait blessé par balles une passante ; que ces méfaits ayant pour la plupart été commis par M. Lamare dans la circonscription même où il exerçait ses fonctions, il participait aux enquêtes entreprises, était informé de leur progression et de leurs résultats, en sorte que son appartenance à la gendarmerie a contribué à lui permettre d'échapper aux recherches et de poursuivre ses activités criminelles pendant une période prolongée ; que, dans ces conditions, l'assassinat de Mlle Raszewski, alors même qu'il a été commis par M. Lamare en dehors de ses heures de service et avec son arme personnelle, n'est pas dépourvu de tout lien avec le service et engage la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à réparer les préjudices qu'a causés à ses parents et à sa soeur la mort de Mlle Raszewski ;

DECIDE :


Article 1er : Le recours susvisé du ministre de la défense est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et aux époux Raszewski.



Titrage : 60-03-01-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - FAUTE PERSONNELLE DE L'AGENT PUBLIC - EXISTENCE D'UN LIEN AVEC LE SERVICE -Crimes commis par un gendarme qui avait profité de sa qualité pour déjouer les recherches.

Résumé : 60-03-01-01 Mlle R. a été tuée le 1er décembre 1978 par M. L., gendarme affecté au peloton de surveillance et d'intervention de Chantilly qui l'avait prise en auto-stop. Il résulte de l'instruction qu'à partir du mois de mai 1978, M. L. s'était rendu coupable de nombreux méfaits. Il avait commis plusieurs vols de voitures et trois attaques à main armée. Des voitures qu'il avait piégées après les avoir volées avaient blessé un gardien de la paix et un gendarme auxiliaire. Il avait blessé par balles une passante. Ces méfaits ayant pour la plupart été commis par M. L. dans la circonscription même où il exerçait ses fonctions, il participait aux enquêtes entreprises, était informé de leur progression et de leurs résultats, en sorte que son appartenance à la gendarmerie a contribué à lui permettre d'échapper aux recherches et de poursuivre ses activités criminelles pendant une période prolongée. Dans ces conditions, l'assassinat de Mlle R., alors même qu'il a été commis par M. L. en dehors de ses heures de service et avec son arme personnelle, n'est pas dépourvu de tout lien avec le service et engage la responsabilité de l'Etat.

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