C.E., 18 avril 1902, Commune de Néris-les-Bains

(Rec., p. 275)

(Req. n° 4.749. - MM. Tardieu, rapp.; Romieu, c. du g.)

LE CONSEIL D'ÉTAT ;

Vu la requête présentée par le maire de la comm. de Néris-les-Bains,... et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir :

1° un arrêté, en date du 8 août 1893, par lequel le préfet du départ. de l'Allier n'a interdit que sous réserve des autorisations qui pourraient être données par l'Administration supérieure, les jeux d'argent dans tous les lieux publics du département ;

2° un arrêté, en date du 5 juin 1901, par lequel ledit préfet a prononcé l'annulation d'un arrêté du maire, du 24 mai 1901 portant interdiction absolue de tous jeux d'argent et de hasard dans la comm. de Néris-les-Bains ;

Ce faire, attendu que, pour annuler un arrêté du 24 mai 1901, le préfet s'est fondé sur ce qu'il aurait été pris en violation du décret du 24 juin 1806, art. 4 et de l'arrêté préfectoral du 8 août 1893 ; que le décret de 1806, qui réservait au ministre de l'intérieur le soin de régler les jeux dans les villes d'eau, a été abrogé par les art. 410, 475 et 477 du Code pénal et par l'art. 10 de la loi du 18 juill. 1836 ; que l'arrêté préfectoral du 8 août 1893 ayant été pris au mépris de ces dispositions législatives, est sans aucune valeur ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'Intérieur,... et tendant au rejet de la requête par les motifs que l'art. 4 du décret du 24 juin 1806 n'a été abrogé ni par le Code pénal, ni par la loi de 1836 ; que, dès lors, en prenant son arrêté du 8 août 1893 et en annulant l'arrêté du maire du 24 mai 1901 le préfet n'a fait qu'user des pouvoirs que lui confère la loi du 5 avr. 1884 ;

Vu les art. 410, 475 et 477 du Code pénal et la loi du 18 juill. 1836, art. 10 ; les lois des 5 avr. 1884, art. 91, 95, 97 et 99; 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872, art. 9 ;

*1* Considérant qu'il résulte des dispositions de l'art. 91 de la loi du 5 avr. 1884 que la police municipale appartient au maire et que les pouvoirs qui lui sont conférés en cette matière par l'art. 97 de la loi s'exercent, non sous l'autorité, mais sous la surveillance de l'Administration supérieure ; que si l'art. 99 autorise le préfet à faire des règlements de police municipale pour toutes les communes du département ou pour plusieurs d'entre elles, aucune disposition n'interdit au maire d'une commune de prendre sur le même objet et pour sa commune, par des motifs propres à cette localité des mesures plus rigoureuse s;

*2* Cons. que pour annuler l'arrêté du maire du 24 mai 1901, qui interdisait d'une manière absolue les jeux d'argent dans tous les lieux publics de la comm. de Néris-les-Bains, le préfet du départ. de l'Allier s'est fondé sur ce que cet arrêté aurait été pris en violation d'un arrêté préfectoral du 8 août 1893, qui, tout en édictant pour toutes les communes du département la même prohibition, avait réservé toutefois au ministre de l'Intérieur, le droit d'autoriser les jeux dans les stations thermales, par application de l'art. 4 du décret du 24 juin 1806 ;

*3* Mais cons. que le décret du 24 juin 1806 a été abrogé dans son entier tant par le Code pénal que par la loi du 18 juill. 1836, dont l'art. 10 dispose qu'à partir du 1er janv. 1838, les jeux publics sont prohibés; que, dès lors, en prenant son arrêté du 5 juin 1901 pour réserver à l'Administration supérieure un pouvoir qui ne lui appartenait plus, et en annulant un arrêté pris par le maire pour assurer dans sa commune l'exécution de la loi, le préfet a excédé les pouvoirs de surveillance hiérarchique qui lui appartiennent ;... (Arrêté annulé).