Résumé

Commentaire de l'arrêt commune d'Arcueil, 1997. Analyse du contenu de l'ordre public, et principalement de la jurisprudence relative à la moralité publique. Analyse détaillée du caractère justifié et adapté de la mesure de police (jurisprudence Benjamin).

Extrait:

La police administrative constitue, à côté du service public, l'une des deux activités de l'Administration. S'il est parfois difficile de les distinguer, la police administrative reste cependant une activité bien particulière : son but n'est pas de favoriser tel ou tel type de société ou de fournir telle ou telle prestation, mais d'assurer la protection de l'ordre public, c'est-à-dire l'ordre déjà établi. Cela ne signifie pas qu'elle est une activité liberticide. Bien au contraire, les restrictions apportées aux libertés publiques ne le sont que pour protéger l'ordre établi c'est-à-dire les conditions d'exercice de toutes les libertés. A charge pour le juge administratif d'appliquer, avec les risques de controverses que cela comporte, la règle selon laquelle, la liberté demeure la règle, la restriction de police l'exception . Problème d'autant plus épineux lorsqu'il concerne la réglementation de la moralité publique par une autorité de police administrative, comme c'est le cas en l'espèce.

Le 14 mai 1990, par arrêté, le maire de la commune d'Arcueil interdit l'affichage de toutes publicités en faveur des messageries roses. Privé de l'une de ses sources de revenus, le régie publicitaire des transports parisiens saisit le tribunal administratif de Paris pour qu'il annule cet arrêté. Le tribunal accède à cette demande par un jugement du 14 avril 1995. La commune d'Arcueil fait donc appel devant le Conseil d'Etat (CE) pour qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Paris et rejette la demande de la régie publicitaire. Le CE rejette cette requête le 8 décembre 1997. L'arrêté est donc ...

Sommaire simplifié:

I – Les finalités de l'arrêté du maire d'Arcueil

II – La légalité de l'arrêté du maire d'Arcueil



Conseil d'Etat, Section, 8 Décembre 1997, Commune d'Arcueil ¢ Régie Publicitaire des Transports Parisiens.

Vu l'ordonnance en date du 18 juillet 1995, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le Président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à cette Cour par la Commune d'Arcueil ;

Vu la demande, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 6 juillet 1995, présentée par la Commune d'Arcueil, représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'hôtel de ville ; la Commune d'Arcueil demande au Conseil d'Etat :

   1°) d'annuler le  jugement du 14 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de la Régie publicitaire des transports parisiens, l'arrêté du 14 mai 1990 par lequel le maire d'Arcueil a interdit l'affichage publicitaire en faveur de certaines messageries télématiques ;

   2°) de rejeter la demande présentée par la Régie publicitaire des transports parisiens devant le tribunal administratif de Paris ;

   Vu les autres pièces du dossier ;

   Vu le code des communes, notamment ses articles L. 131-1 et L. 131-2 ;

   Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

   Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

   Vu l' ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le  décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Considérant que, par arrêté du 14 mai 1990, le maire d'Arcueil a interdit sur le territoire de la commune l'affichage publicitaire en faveur des "messageries roses" ; qu'il ne ressort pas des
pièces du dossier que cet affichage ait été susceptible de provoquer dans cette commune des troubles matériels sérieux ; qu'en l'absence de circonstances locales particulières, qui ne ressortent pas du dossier, le caractère immoral desdites messageries, à le supposer établi, ne peut fonder légalement une interdiction de toute publicité en leur faveur ; que si la commune soutient que l'arrêté attaqué aurait été justifié également par la nécessité de prévenir une atteinte à la dignité de la personne humaine, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément au soutien de ce moyen ; qu'ainsi la Commune d'Arcueil n'est pas fondée à soutenir que cest à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 14 mai 1990 ;

   Sur les conclusions de l'Union des chambres syndicales de la publicité extérieure tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la  loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la Commune d'Arcueil à payer
à l'Union des chambres syndicales de la publicité extérieure une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : La requête de la Commune d'Arcueil est rejetée.

Article 2 : La Commune d'Arcueil versera à l'Union des chambres syndicales de la publicité extérieure une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la  loi du 10 juillet 1991.